De nombreux philsophes se sont interrogés sur le fait de savoir si toute opinion et tout jugement peuvent réellement être considérés comme étant fondés.

Descartes, dans le passage débutant la Première Méditation, nous expose son projet de remise en question des prétendues vérités acquises durant l'enfance, par l'intermédiaire du doute. Il y introduit les notions de doute radical et de doute hyperbolique.

Nous étudierons en détail la manière dont Descartes présente son projet et les méthodes qu'il va employer, pour en arriver à déduire l'intérêt moral et épistémologique du texte, ainsi que les significations du doute cartésien.

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Le texte de Descartes est consacré à un doute volontaire et systématique. L'auteur met en évidence que tout ce qui est acquis n'est pas forcément véridique. Son intention est de se défaire de tous ses préjugés et de détruire ses anciennes opinions.
Descartes cherche à savoir si les principes sur lesquels étaient appuyées toutes ses opinions sont valables. Il se pose la question de la véracité de ses acquis et en arrive ainsi à critiquer les vérités existantes.
Pour lui, l'unique moyen d'atteindre la vérité scientifique est de réformer une fois pour toutes la connaissance humaine qui est fondée sur des principes bien souvent douteux. Ainsi, tout est à réexaminer à la lumière du doute.
Pour commencer, Descartes nous expose son idée ainsi que son projet dans les lignes 1 à 8 : il désire remettre en question ce qu'on a pu considérer comme vrai dès notre enfance. Puis de la ligne 8 à la ligne 18, il affirme que cette entreprise nécessite une certaine ùaturité et que son état d'esprit actuel est favorable à la réalisation de son objectif. Enfin, dans les lignes 18 à 29, il nous indique la méthode qu'il adoptera pour critiquer ses anciennes opinions : il emploiera tout d'abord le doute hyperbolique c'est-à-dire que le moindre doute perçu au sujet d'une connaissance entraînera son rejet immédiat ; sa seconde méthode, le doute radical, consistera à examiner les principes des choses plutôt que les choses elles-mêmes.

La Première Méditation nous donne le compte-rendu de l'exécution du projet de Descartes c'est-à-dire celui de se défaire de ses anciennes opinions. Au début de la Première Méditation, il nous expose l'origine de son objectif : " Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que... " constitue une phrase d'introduction faisant référence à l'enfance de Descartes, ce qui est compréhensible puisque la condition de tout homme est d'être d'abord un enfant. En fait, durant l'enfance, l'esprit de l'être humain est habité par le phénomène de croissance,où l'âmeest absorbée dans ses occupations. C'est ainsi que l'ensemble des connaissances acquises durant l'enfance ne représentent que des idées toutes faites et non vérifiées enseignées par les adultes. Descartes parle alors de " fausses opinions " et de " principes mal assurés ". Il en arrive alors à formuler la notion de doute et d'incertitude à la ligne 4. C'est donc l'infantilisme qui empêche l'esprit de s'épanouir du fait de l'accumulation de ses erreurs. Ensuite, le philosophe nous présente son entreprise dans les lignes 4 à 7 : il estime que ses acquis nécessitent une bonne fois pour toutes d'être vérifiés. Il s'agit donc pour lui de libérer son esprit qui se trouve esclave des principes enseignés durant l'enfance. Il lui faut pour se faire se détacher des moeurs (c'est-à-dire des coutumes, et, pour reprendre l'expression de Descartes, " commencer tout de nouveau dès les fondements "). On comprend sa volonté de rejeter les principes anciens pour les reconstruire radicalement : d'où la notion de doute radical qui s'attache aux principes premiers de nos connaissances. Descartes précise que son projet est bien constructif : " si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences ". " Tant que l'on n'aura pas d'autres fondements dans les sciences que ce que nous avons eus jusqu'à présent " (citation tirée de la préface) on pourra douter de toute chose. Ce qu'il faut en déduire : le doute cartésien s'avère n'être que provisoire puisqu'il n'est qu'un instrument destiné à fonder la certitude de la science. Il a cependant pour but de construire une connaissance solide.

Dans les lignes 8 à 18, Descartes se justifie auprès de ses lecteurs : pourquoi avoir tant tardé à se défaire de ses anciennes opinions et à recommencer tout dès les fondements alors qu'il s'en est aperçu tant d'années auparavant ? Pourquoi met-il maintenant son projet à exécution ? Il devance donc notre étonnement dans les lignes 8 à 13. Le philosophe évoque la " grandeur de l'entreprise " : effectivement, les opinions sont innombrables. Le lecteur est alors en mesure de comprendre la longue attente de " l'âge mûr " du philosophe.

Cependant, Descartes précise qu'il ne peut " délibérer " plus longuement : en effet, il a déjà 45 ans et l'entreprise de fait de plus en plus urgente étant donné la durée de vie plus courte du XVIIème siècle. En outre, l'objectif de Descartes s'avère être pour lui une nécessité. Il estime être arrivé au moment le plus propice de sa vie pour réaliser son but. C'est ce qu'il exprime dans la phrase suivante (lignes 13 à 18) : il a enfin la possibilité de " s'appliquer à détruire toutes ses anciennes opinions ". Dans ce passage, nous pouvons déduire un autre thème relatif au texte : celui de la liberté de l'âme et de l'esprit. En effet, son esprit est libre de toute agitation ( " je ne me sens afité d'aucunes passions " ), qu'il est libre de toute préoccupation (le mot " soin " avait une connotation négative à son époque : il signifiait " souci "). De plus, lorsqu'il parle de solitude, il fait référence à la Hollande où il a le bonheur de se sentir seul et où il s'estime en parfaite sécurité. Donc son état d'esprit se révèle être favorable à la mise en oeuvre de son dessein. Il en découle que l'organisation de ce dernier a dû nécessairement passer par une libération spirituelle, mentale.

Descartes choisit un doute volontaire et systématique. Après avoir expliqué son projet et son état psychologique, il écrit que pour détruire toutes ses anciennes opinions, il ne s'attaquera pas à chacune d'entre elles, " ce qui serait un travail infini, de quoi il ne viendrait jamais à bout ". Ainsi, avant de s'occuper de la mise en oeuvre de son projet, il élabore une stratégie : à la place de prouver l'inexactitude de chacune de ses anciennes opinions, il ne s'attaquera qu'aux principes qui les régissent. Dans les lignes 20 à 25, le philosophe explique que dès la moindre incertitude, il rejettera automatiquement l'idée qui s'est présentée à son esprit, par conséquent son doute n'a rien d'une hésitation : il s'agit du doute hyperbolique. Descartes va chercher toutes les raisons de douter qu'il pourra trouver. En outre, il choisit d'attaquer la base des connaissances c'est-à-dire le principe des choses. Dans les lignes 26 et 27, il se base sur une image : la solidité d'un édifice reposant sur celle de ses fondements, c'est d'abord de la solidité de ces derniers qu'il faut s'assurer. Contrairement aux sceptiques, Descartes doute pour savoir, pour connaître.

 

Pour Descartes comme pour un grand nombre de philosophes, la destruction de l'opinion est à la base de la recherche de la vérité. Il s'agit là de l'intérêt épistémologique du texte. La recherche de la vérité constitue la préoccupation essentielle de la recherche philosophique. Les opinions représentent les adversaires les plus redoutables de la pensée et de la quête de la vérité. Cette dernière possède un caractère moral. Mais Descartes reconnaît lui-même que l'évidence peut être niée : ainsi, le problème de la vérité relève avant tout de notre liberté.

Et c'est de cette liberté dont il est question tout au long du texte : la liberté de notre esprit (c'est l'intérêt moral du texte). Descartes la nommera " liberté éclairée " lorsqu'elle s'appuie sur la connaissance du bien. Donc son entreprise est une entreprise de libération : les philosophes succédant à Descartes peuvent la prendre pour exemple car il a bien montré au début de la Première Méditation qu'il ne s'agit pas là d'une entreprise spontanée mais qu'elle n'évolue qu'avec la force de l'âge.

Enfin, nous pouvons tirer de ce texte la signification du doute catésien. En fait, il s'oppose totalement au doute sceptique car, comme nous l'avons vu, c'est un doute provisoire qui a pour but la connaissance; il est aussi méthodique car Descartes souhaite par-dessus tout aboutir à la vérité par le biais de la destruction des opinions. Son doute est tendu vers la certitude et il est un moyen pour accéder au vrai. Il détient donc une fonction critique c'est-à-dire qu'il doit permettre de séparer l'opinion de la certitude. Donc le philosophe a pour but d'effacer les prétendues vérités pour repartir sur de nouvelles bases au niveau scientifique. C'est ainsi qu'en privilégiant le doute sur le dogme pour n'admettre comme vérité scientifique que la raison ("  cogito  ), Descartes initia une approche rationaliste des problèmes qui se révéla très féconde en mathématiques. Sa méthode rationnelle reflète la nouvelle compréhension des sciences à son époque. Le cartésianisme découle du fait qu'il faille découvrir la réalité en vérifiant soi-même le commencement. Plus tard, Claude Bernard définira le doute comme une qualité fondamentale de l'investigation scientifique, qui vise à ne pas prendre des conclusions momentanées pour des vérités absolues. Enfin, Descartes a introduit l'idée du progrès des sciences.

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Pour terminer, nous pouvons dire qu'il est important de noter que ce texte fait état d'une volonté de vérité, de connaissances, mais aussi de problèmes posés par la présence du doute. On perçoit également le thème de la liberté de l'esprit. Descartes est à la base du perfectionnement des sciences. En effet, il a ouvert un champ entièrement neuf à l'investigation des futurs philosophes et scientifiques. Ainsi, grâce à Descartes, la réalité du monde se réduira essentiellement à ce que la science peut en dire.

 

© Alexandra PIOVESANA, élève en classe Terminale ES
à Thionville au Lycée Saint Pierre Chanel,
année scolaire 1998-99