LUCRÈCE
(98-55 av. J.-C.)
La vie du poète latin Lucrèce nous est à peu près inconnue. Selon une tradition rapportée par saint Jérôme, le poète se serait suicidé après avoir été rendu fou par un philtre amoureux ! Mais rien n'est plus controversé que ce récit: saint Jérôme ne pouvait guère apprécier l'adversaire de la religion, le philosophe matérialiste qui remettait en question la Providence. . .Notons que le temps de Lucrèce est tout aussi troublé que celui de son maître Épicure : guerres civiles, discordes de toutes sortes, préludent à la chute de la République romaine. En cette époque agitée, Lucrèce veut, peut-être, bâtir une citadelle abritée par la pensée.
1 - Les racines
Lucrèce hérite, pour l'essentiel, des idées de son maître Épicure, vénéré par lui à l'égal d'un dieu. Il fait aussi entrer dans ce magnifique poème qu'est le "De natura rerum" ("De la nature des choses", en six Livres) des thèmes issus de la pensée présocratique, ceux d'Empédocle (490-430 av. J.-C.), par exemple.
2 - Les apports conceptuels
Lucrèce s'oppose - avec plus de précision que son maître Epicure - à la Providence et aux causes finales. Cette connaissance purement matérialiste de l'univers est un moyen dont l'ataraxie est la fin. De plus, avec le clinamen, Lucrèce donne une base physique à la liberté humaine.Ses concepts fondamentaux sont les suivants :
ceux issus de la réflexion d'Épicure ;
le concept de clinamen (qui semble appartenir davantage à Lucrèce qu'à son maître et qui, selon certains commentateurs, serait une adjonction des disciples d'Epicure). Définissons-le comme un mouvement spontané par lequel les atomes dévient de la ligne de chute causée par la pesanteur. Il y aurait là une liberté en quelque sorte mécanique, permettant de saisir la liberté humaine.
Cf. J. Russ, Les chemins de la pensée, Bordas pp.91