Sujet : L'Histoire a-t-elle un sens ?

- plan détaillé -

 

 

Introduction

 

- Nous aimerions savoir où nous allons. Encore faudrait-il, pour pouvoir le savoir, que nous allions quelque part et donc que le cours de nos vies se dirige vers une fin qui lui donne sens.

- Qu'en est-il : l'Histoire a-t-elle un sens ?

- Un examen préliminaire de la question nous conduira à nous demander si l'Histoire est susceptible d'avoir un sens et si la connaissance que l'on peut ou non en avoir témoigne en la faveur de son existence.

 

Développement

 

Analyse du sujet
- Se demander si l'Histoire a un sens conduit à s'interroger sur le sens de l'Histoire en se demandant s'il y en a un. Evoquer la possibilité pour l'Histoire d'avoir un sens, c'est envisager que le cours des événements constitutif du devenir de l'humanité puisse tendre vers un état final auquel il conduirait.

- Si on se demande si l'Histoire a un sens c'est sans doute parce que les philosophies de l'Histoire du XIXe siècle, en particulier celles de Hegel et de Marx, reposaient sur la conviction qu'un tel sens existe mais que, pourtant, à en juger par le manque de confirmation de l'idée qu'ils s'en faisaient, cela est loin d'être évident.

- En cherchant à savoir si l'Histoire a un sens, nous pourrons peut-être savoir si l'aventure humaine a quelque chance d'avoir une raison d'être à la quelle nous puissions croire et qui, ainsi, serait à même de justifier en les encourageant les efforts que nous sommes amenés à faire pour que change l'état des choses humaines.

- Pour savoir si l'Histoire a un sens, nous nous demanderons d'abord si elle est susceptible d'en avoir un. Nous examinerons ensuite les tentatives qu'ont pu faire les philosophes du siècle passé pour trouver un sens à l'Histoire afin de savoir s'il est de nature à nous donner à penser qu'elle en a un.

 

 

 

I. l'Histoire est-elle susceptible d'avoir un sens ?

 

1. En tant qu'il forme un cours, le devenir de l' humanité ne peut qu'être dit avoir un sens :

- Il n'y a d'Histoire que pour une suite d'événements en continuité les uns avec les autres. Cf. Kojève

Or qui dit suite, dit logiquement sens, quand bien même celui-ci serait hésitant.

Ex. Succès, à la longue, du libéralisme

- L'ordre historique, chronologique, de succession des événements est orienté: il est linéaire et irréversible. Il a donc un sens.

Cf. En Histoire, les plats ne repassent pas deux fois. Ex. Enlisement de la grève des lycéens en 1999.

 

2. Bien qu'ils soient, par nature, contingents les événements ne se produisent pas sans raison :

 

- Chaque événement qui entre dans sa composition dépend, lorsqu'il arrive alors même qu'il aurait pu ne pas se produire, d'un concours de circonstances qui le rend fortuit. Il ne s'inscrit donc pas dans une suite dont l'issue serait prédéterminée (illusion du fatalisme).

Cf. Cournot.

Ex. La révolution française et l'état culturel, politique et social de la France à l'époque.

- Mais chaque événement est néanmoins la résultante de conditions de structure et de forme qui prévalent à la longue. Ce n'est donc pas pour rien qu'il se produit: on peut l'expliquer, et il entre ainsi dans une suite qui a un sens.

Cf. Cournot.

Ex. Unification de l'Europe.

 

II. Si l'on devait ne pas pouvoir correctement identifier le sens de l'Histoire,

cela prouverait-il qu'il n'existe pas  ?

 

1. Les philosophies de l'Histoire, dans leur tentative pour définir le sens de l' l'Histoire, ne parviennent à des résultats ni convergents ni respectivement probants :

- Ainsi Hegel qui, en idéaliste absolu, suppose a priori que l'Esprit est le conducteur des peuples et qui s'efforce de le montrer en le suivant à la trace au fil de l'Histoire passée, aurait bien du mal à voir aujourd'hui dans le Führer, paranoïaque aveugle, l'incarnation de l'Esprit absolu !

- Ainsi Marx qui prévoyait, sur la base d'une théorie matérialiste radicalement opposée à celle de Hegel, l'avènement d'une société sans classes, de type communiste, ne pourrait que constater aujourd'hui l'effondrement des systèmes communistes et le succès du libéralisme capitaliste conquérant !

 

2. Pourtant l'Histoire poursuit son cours dans un direction que l'on peut retracer rétrospectivement :

- L'échec des grandes philosophies de l'Histoire prouve que le cours de l'Histoire n'est pas écrit à l'avance, et que l'on ne saurait donc que se hasarder à le prévoir, à ses risques et périls. En remplaçant, dans le sillage des Lumières, la Providence chrétienne par la Raison ou la Lutte des classes, les philosophes du XIXe siècle n'ont rien gagner en lucidité prophétique…

- Par contre l'effort pour penser, à la suite de Cournot, l'Histoire philosophiquement mais de façon étiologique, en recherchant a posteriori les raisons du cours qu'elle a pu prendre et continue de prendre, peut donner des résultats tout à fait satisfaisants. Et il peut le faire parce qu'il reconnaît que l'Histoire est en marche et que l'on ne peut donc en connaître que l'état actuel d'avancement.
Ainsi , si l'avènement puis l'effondrement du communisme n'étaient pas écrits de toute éternité, une analyse des formes historiques qu'il a prises peut montrer qu'il était, à la longue, voué à l'échec et que l'humanité tend donc vers un vivre en commun qui demande que place soit faite à la liberté !

 

Conclusion

- Alors que l'on serait tenté, à la lumière de l'échec patent des philosophies de l'Histoire dans leur tentative pour identifier et prédire le sens de l'Histoire, que l'Histoire n'a probablement pas de sens, force est de reconnaître qu'il ne saurait y avoir d'Histoire véritable, faite de changements incessants, que si celle-ci a un sens. Sauf à revenir à l'idée déterministe d'un pseudo devenir, cyclique, que le cours effectif, irréversible, des événements humains contredit, on ne peut qu'admettre que l'Histoire conduit l'homme à un avenir que son passé conditionne, et qu'elle a donc bel et bien un sens, même si on ne peut l'établir que rétrospectivement.

- On se prend alors à rêver d'une collaboration étroite entre philosophes et les historiens qui nous aideraient sinon à prévoir ce que sera demain, du moins à tirer le meilleur parti de ce qu'a été hier pour que demain soit meilleur. Passer de la prévision à la prévoyance, voilà ce que recommandait déjà Michel Serres dans son Discours de réception à l'Académie française.

 

© M. Pérignon