Nietzsche

Par-delà le bien et le mal

cinquième partie

 

§ 190

 

Es giebt Etwas in der Moral Plato's, das nicht eigentlich zu Plato gehört, sondern sich nur an seiner Philosophie vorfindet, man könnte sagen, trotz Plato: nämlich der Sokratismus, für den er eigentlich zu vornehm war. "Keiner will sich selbst Schaden thun, daher geschieht alles Schlechte unfreiwillig. Denn der Schlechte fügt sich selbst Schaden zu: das würde er nicht thun, falls er wüsste, dass das Schlechte schlecht ist. Demgemäss ist der Schlechte nur aus einem Irrthum schlecht; nimmt man ihm seinen Irrthum, so macht man ihn notwendig - gut." - Diese Art zu schliessen riecht nach dem Pöbel, der am Schlechthandeln nur die leidigen Folgen in's Auge fasst und eigentlich urtheilt "es ist dumm, schlecht zu handeln"; während er "gut" mit "nützlich und angenehm" ohne Weiteres als identisch nimmt. Man darf bei jedem Utilitarismus der Moral von vornherein auf diesen gleichen Ursprung rathen und seiner Nase folgen: man wird selten irre gehn. - Plato hat Alles gethan, um etwas Feines und Vornehmes in den Satz seines Lehrers hinein zu interpretiren, vor Allem sich selbst -, er, der verwegenste aller Interpreten, der den ganzen Sokrates nur wie ein populäres Thema und Volkslied von der Gasse nahm, um es in's Unendliche und Unmögliche zu variiren: nämlich in alle seine eignen Masken und Vielfältigkeiten. Im Scherz gesprochen, und noch dazu homerisch: was ist denn der platonische Sokrates, wenn nicht
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Il y a dans la morale de Platon quelque chose qui n'appartient pas en propre à Platon, mais qui se trouve dans sa philosophie en dépit, pourrait-on dire, de Platon : à savoir le socratisme, pour lequel il était à vrai dire trop noble. " Nul ne se nuit volontairement, le mal advient donc involontairement. Car le méchant se fait tort à lui-même; il ne le ferait pas s'il savait que le mal est mal. Le méchant n'est donc méchant que par erreur. Qu'on lui enlève son erreur, on le rendra nécessairement bon". Cette amnière de conclure sent la plèbe, la plèbe qui ne considère dans l'acte mauvais que ses conséquences fâcheuses et qui juge qu'il est sot de mal agir, alors qu'elle identifie sans plus le "bien" avec "l'utile" et "l'agréable". Dans tout utilitarisme moral on est en droit de diagnostiquer d'emblée cette même origine et se fier à son flair; on se trompera rarement. Platon a tout fait pour introduire dans le précepte de son maître quelque chose de délicat et de noble, pour s'y introduire lui-même d'abord, lui le plus audacieux de tous les interprètes, qui s'empara de Socrate tout entier comme un thème populaire ou une chanson des rues, pour le varier à l'infini, jusqu'à l'impossible, je veux dire en lui prêtant tous ses propres masques et ses faces multiples. Pour le dire en plaisantant, et en paraphrasant Homère par surcroît, qu'est-ce que le Socrate de Platon, sinon

 

 

Platon et le principe socratique "Nul n'est méchant volontairement"

 

Le § 190 constitue une digression, bien nietzschéenne, sur le socratisme de Platon.

Pour Platon, comme pour son maître Socrate, " nul n'est méchant volontairement " : la faute est à mettre au compte de l'ignorance.

Toutefois Platon ne reprend pas purement et simplement la pensée morale du philosophe plébéien dont il s'inspire. D'où la plaisanterie homérique (le "à la manière" de Homère) par laquelle, parodiant un vers célèbre du livre VI de l'Illiade ("Lion par devant, serpent par derrière, chèvre au milieu", telle se présente "la chimère invisible dont le souffle avait l'effroyable jaillissement d'une flamme flambloyante"), Nietzsche exprime magistralement la nature platonicienne du Socrate de Platon: "Platon par devant, Platon par derrière, chimère au milieu".

N.B. L'assignation d'une origine plébéienne à la morale utilitariste (pour laquelle Bien = utile et agréable) - à laquelle s'apparenterait le "nul n'est méchant volontairement" - mérite d'être relevée. Elle est bien dans la ligne de l'histoire naturelle de la morale dont se réclame Nietzsche tout au long de la Cinquième Partie de Par-delà le Bien et le Mal. Le jugement moral ne ferait que trahir l'origine sociale de celui qui le profère !

 

Autres aphorismes de la cinquième partie

 
Traduction et commentaire

© M. Pérignon