Nietzsche
Par-delà le bien et le mal
cinquième partie
§ 201
So lange die Nützlichkeit, die in den moralischen Werthurtheilen herrscht, allein die Heerden-Nützlichkeit ist, so lange der Blick einzig der Erhaltung der Gemeinde zugewendet ist, und das Unmoralische genau und ausschliesslich in dem gesucht wird, was dem Gemeinde-Bestand gefährlich scheint: so lange kann es noch keine "Moral der Nächstenliebe" geben. Gesetzt, es findet sich auch da bereits eine beständige kleine Übung von Rücksicht, Mitleiden, Billigkeit, Milde, Gegenseitigkeit der Hülfeleistung, gesetzt, es sind auch auf diesem Zustande der Gesellschaft schon alle jene Triebe thätig, welche später mit Ehrennamen, als "Tugenden" bezeichnet werden und schliesslich fast mit dem Begriff "Moralität" in Eins zusammenfallen: in jener Zeit gehören sie noch gar nicht in das Reich der moralischen Werthschätzungen - sie sind noch aussermoralisch. Eine mitleidige Handlung zum Beispiel heisst in der besten Römerzeit weder gut noch böse, weder moralisch noch unmoralisch; und wird sie selbst gelobt, so verträgt sich mit diesem Lobe noch auf das Beste eine Art unwilliger Geringschätzung, sobald sie nämlich mit irgend einer Handlung zusammengehalten wird, welche der Förderung des Ganzen, der res publica, dient. Zuletzt ist die "Liebe zum Nächsten" immer etwas Nebensächliches, zum Theil Conventionelles und Willkürlich-Scheinbares im Verhältniss zur Furcht vor dem Nächsten. Nachdem das Gefüge der Gesellschaft im Ganzen festgestellt und gegen äussere Gefahren gesichert erscheint, ist es diese Furcht vor dem Nächsten, welche wieder neue Perspektiven der moralischen Werthschätzung schafft. Gewisse starke und gefährliche Triebe, wie Unternehmungslust, Tollkühnheit, Rachsucht, Verschlagenheit, Raubgier, Herrschsucht, die bisher in einem gemeinnützigen Sinne nicht nur geehrt unter anderen Namen, wie billig, als den eben gewählten sondern gross-gezogen und -gezüchtet werden mussten (weil man ihrer in der Gefahr des Ganzen gegen die Feinde des Ganzen beständig bedurfte), werden nunmehr in ihrer Gefährlichkeit doppelt stark empfunden - jetzt, wo die Abzugskanäle für sie fehlen - und schrittweise, als unmoralisch, gebrandmarkt und der Verleumdung preisgegeben. Jetzt kommen die gegensätzlichen Triebe und Neigungen zu moralischen Ehren; der Heerden-Instinkt zieht, Schritt für Schritt, seine Folgerung. Wie viel oder wie wenig Gemein-Gefährliches, der Gleichheit Gefährliches in einer Meinung, in einem Zustand und Affekte, in einem Willen, in einer Begabung liegt, das ist jetzt die moralische Perspektive: die Furcht ist auch hier wieder die Mutter der Moral. An den höchsten und stärksten Trieben, wenn sie, leidenschaftlich ausbrechend, den Einzelnen weit über den Durchschnitt und die Niederung des Heerdengewissens hinaus und hinauf treiben, geht das Selbstgefühl der Gemeinde zu Grunde, ihr Glaube an sich, ihr Rückgrat gleichsam, zerbricht: folglich wird man gerade diese Triebe am besten brandmarken und verleumden. Die hohe unabhängige Geistigkeit, der Wille zum Alleinstehn, die grosse Vernunft schon werden als Gefahr empfunden; Alles, was den Einzelnen über die Heerde hinaushebt und dem Nächsten Furcht macht, heisst von nun an böse; die billige, bescheidene, sich einordnende, gleichsetzende Gesinnung, das Mittelmaass der Begierden kommt zu moralischen Namen und Ehren. Endlich, unter sehr friedfertigen Zuständen, fehlt die Gelegenheit und Nöthigung immer mehr, sein Gefühl zur Strenge und Härte zu erziehn; und jetzt beginnt jede Strenge, selbst in der Gerechtigkeit, die Gewissen zu stören; eine hohe und harte Vornehmheit und Selbst-Verantwortlichkeit beleidigt beinahe und erweckt Misstrauen, "das Lamm", noch mehr "das Schlaf" gewinnt an Achtung. Es giebt einen Punkt von krankhafter Vermürbung und Verzärtlichung in der Geschichte der Gesellschaft, wo sie selbst für ihren Schädiger, den Verbrecher Partei nimmt, und zwar ernsthaft und ehrlich. Strafen: das scheint ihr irgendworin unbillig, - gewiss ist, dass die Vorstellung "Strafe" und "Strafen-Sollen" ihr wehe thut, ihr Furcht macht. "Genügt es nicht, ihn ungefährlich machen? Wozu noch strafen? Strafen selbst ist fürchterlich!" - mit dieser Frage zieht die Heerden-Moral, die Moral der Furchtsamkeit ihre letzte Consequenz. Gesetzt, man könnte überhaupt die Gefahr, den Grund zum Fürchten abschaffen, so hätte man diese Moral mit abgeschafft: sie wäre nicht mehr nöthig, sie hielte sich selbst nicht mehr für nöthig! - Wer das Gewissen des heutigen Europäers prüft, wird aus tausend moralischen Falten und Verstecken immer den gleichen Imperativ herauszuziehen haben, den Imperativ der Heerden-Furchtsamkeit: wir wollen, dass es irgendwann einmal Nichts mehr zu fürchten giebt! " Irgendwann einmal - der Wille und Weg dorthin heisst heute in Europa überall der "Fortschritt".
Aussi longtemps que l'utilité qui préside aux évaluations morales est la seule utilité du troupeau; aussi longtemps que le regard reste fixé uniquement sur la conservation de la communauté, et que l'on tient pour immoral, précisément et exclusivement, ce qui semble menacer la survie de la communauté, il ne peut encore y avoir de morale de "l'amour du prochain". Même s'il existe déjà à cette époque une pratique limitée et constante d'égards, de pitié, d'équité, de douceur, d'entraide, même si à ce stade de la société sont déjà actifs toutes les pulsions que l'on désignera plus tard du nom honorifique de "vertus" et qui finiront par se confondre presque avec le concept de "moralité", à cette époque ils n'appartiennent pas encore au domaine des jugements de valeur, ils se situent encore en dehors de la morale. Un acte de pitié par exemple n'est encore qualifié ni de bon ni de mauvais, ni de moral ni d'immoral à la plus belle époque de Rome; et même si on le loue, cette louange peut fort bien s'accorder avec une sorte de mépris involontaire dès que l'on compare cet acte avec une action qui serve les intérêts de la collectivité, de la respublica. En fin de compte, l'"amour du prochain" est toujours chose secondaire, en partie conventionnelle et d'apparence quasi arbitraire en comparaison la crainte du prochain. Dès que la structure de la société semble solidement établie et à l'abri des dangers extérieurs, c'est cette crainte du prochain qui ouvre aux jugements moraux de nouvelles perspectives. Des pulsions fortes et dangereuses, comme l'esprit d'entreprise, la folle témérité, le ressentiment, la dissimulation, la rapacité, la soif de dominer qui étaient jusqu'alors non seulement honorés sous d'autres noms, en raison de leur utilité collective , mais aussi délibérément cultivés et sélectionnés ( parce qu'on avait sans cesse besoin d'eux contre les ennemis de la collectivité aux heures où elle était en péril), sont ressentis comme étant doublement dangereux à présent qu'ils n'ont plus de dérivatif, et peu à peu on en vient à les stigmatiser comme immoraux ou à les livrer à la calomnie. Alors les pulsions et les penchants opposés reviennent en honneur dans la morale; l'instinct du troupeau tire, une à une, ses conséquences. Y a-t-il dans une opinion, un état, une passion, un vouloir, un don naturel peu ou prou d'éléments dangereux pour la collectivité, dangereux pour l'égalité ? Telle est désormais la perspective morale. Ici encore la crainte est la mère de la morale. Les pulsions les plus hautes et les plus fortes, dans leurs éclats passionnés, emportent l'individu bien bien au-dessus de la médiocrité et de la bassesse de la conscience grégaire; ils ruinent l'amour-propre de la communauté, sa foi en elle-même, ils lui brisent les reins, en quelque sorte; aussi s'attache-t-on à flétrir et à calomnier précisément ces pulsions. La haute intellectualité libre, la décision d'être seul, la grande raison font déjà figure de dangers; tout ce qui élève l'individu au-dessus du troupeau et qui fait peur au prochain s'appellera désormais le mal; l'esprit tolérant, modeste, soumis, égalitaire, la médiocrité des envies sont salués et honorés comme moraux. Finalement dans les longues périodes de paix durable, on a de moins en moins l'occasion et l'obligation de former ses sentiments à la rigueur et à la dureté; et maintenant cette rigueur, même dans la justice, en viendra à heurter les consciences; une haute et exigeante noblesse d'âme consciente de ses responsabilités semblera presque offensante et éveillera la méfiance; l'"agneau", plus encore le "mouton", gagneront en considération. Il y a dans l'histoire de la société un point de déliquescence et de sensiblerie maladive où cette société elle-même prend parti pour celui qui lui nuit, pour le criminel, cela le plus sérieusement et le plus honnêtement du monde. Punir lui semble en quelque façon injuste; pour sûr l'idée du "châtiment" et "l'obligation de punir" lui font mal, lui font peur. "Ne suffit-il pas de le mettre hors d'état de nuire? A quoi bon châtier par surcroît? Châtier est en soi une chose effroyable". C'est en posant ainsi le problème que la morale du troupeau, la morale de la peur, tire ses dernières conséquences. A supposé que l'on puisse supprimer le danger cause de cette crainte, on supprimerait du même coup cette morale; elle ne serait plus nécessaire, elle-même ne se croirait plus nécessaire. Quiconque scrute la conscience de l'Européen de de nos jours, aura à tirer de mille replis et de mille recoins toujours le même impératif, l'impératif de la peur du troupeau. "Nous voulons qu'un jour il n'y ait plus rien à craindre." Un jour, un beau jour - la volonté et le chemin qui y mènent, voilà ce que partout en Europe on appelle aujourd'hui le "progrès".
Le relativisme sociologique des évaluations morales
Ce § illustre très bien l'idée de Nietzsche selon laquelle il n'y a pas de faits moraux en soi, moraux par nature.
Les évaluations morales dépendent de l'état social du "troupeau humain". Elle varient avec lui.
Ainsi l'amour du prochain ne reçoit le statut de valeur que dans des sociétés qui, ayant assuré leur sécurité extérieure, ont vaincu en partie la peur du prochain.
L'idée sera reprise par les sociologues du début du XXème siècle (En France Lévy-Brühl, Durkheim)
Ainsi le troupeau ayant acquis sa sécurité, "tout ce qui élève l'individu au-dessus du troupeau et qui fait peur au prochain s'appellera le mal; l'humeur équitable, modeste, subalterne, respectueuse de l'égalité, la modération des désirs reçoivent des épithètes et des honneurs moraux..."
La morale de la peur (et toute morale est elle pour Nietzsche) finit même par reculer devant le châtiment et voit dans le "progrès" (dont l'idée domine au XIXème siècle) le moyen de vaincre sa peur...
Le ton de Nietzsche, dans ce paragraphe et les suivants, pour parler des morales "du troupeau" est d'une virulence assez surprenante et, semble-t-il, injustifiable du point de vue même de Nietzsche : le § 202 est particulièrement remarquable à cet égard. Nietzsche écrit : "Elle (la morale du troupeau) n'est donc à notre avis qu'une variété de morale humaine qui laisse ou devrait laisser possibles à coté d'elle une infinité d'autres morales". "Mais cette morale se défend de toutes ses forces contre une telle possibilité ...". La critique est valable, du point de vue de Nietzsche, mais elle s'applique aussi bien à tous les types de morales (elle s'applique peut-être même mieux aux morales de la force, qui sont intolérantes alors que les morales altruistes laissent la parole à l'opposition, Nietzsche le reconnaît implicitement lorsqu'il déclare que l'esprit égalitaire comporte "une impuissance quasi féminin à voir souffrir, à faire souffrir"). L'acharnement particulier de Nietzsche contre la morale du troupeau - qui est pourtant comme les autres une expression de la volonté de puissance - ne s'explique que parce qu'il la juge inférieure à d'autres ; mais de quel droit, s'il est vrai que la volonté de puissance est aveugle et qu'il n'y a pas de valeur en soi ? Que la volonté de puissance se nie elle-même dans les morales du troupeau, ce n'est pas un argument, s'il est vrai, comme le pense Nietzsche que la nature est étrangère à la logique (cf. lère partie).
N.B. "si tous sont égaux, nul n'a besoin de droits" - Nietzsche semble confondre égalité et idendité. Dans une démocratie les citoyens sont tous égaux mais leurs fonctions sont différentes, ce à quoi correspondent des droits différents.
Autres aphorismes de la cinquième partie